HISTOIRE EXTRAORDINAIRE DES NOMS DE FAMILLE
En ces temps de confinement et pour combattre l’oisiveté, je me suis efforcé de synthétiser les fruits de mes recherches sur les noms de familles. J’espère que ce travail pourra être utile à d’autres généalogistes.
Leers, le 28 mars 2020
Daniel BOURGOIS
HISTOIRE EXTRAORDINAIRE DES NOMS DE FAMILLE
Aux confins du Ferrain et du Tournaisis.
INTRODUCTION (1)
Jusqu’au Moyen Age les individus n’étaient désignés que par un nom de baptême ce que l’on appellera plus tard le prénom. A l’approche de l’an 1200, l’augmentation rapide de la population oblige nos ancêtres à ajouter un surnom au nom de baptême afin de pouvoir se différencier. Ainsi naissaient les noms de familles.
Ces surnoms ou noms de familles nous donnent des informations sur nos origines. Notamment lorsqu’ils proviennent de l’apparence physique (Bossu, Malfait, Legrand, Leblond …), des traits de caractères (Gentil, Modeste …), des professions (Boucher, Maçon, Leclerc …), d’un rang social (Procureur, Bailly …) ou d’une origine géographique (Deroubaix, Delille, Dupont, Dupré …). Mais nombre d’entre eux viennent des noms de baptêmes (Michel, Alexandre, Nicolas …) ou de plantes, d'arbres et d'animaux…
Au cours des siècles ces noms de familles ont évolué avec de très nombreuses variantes orthographiques et des diminutifs.
Et enfin, jusqu’à la loi très récente sur la réforme du nom de famille, l'enfant légitime portait obligatoirement le nom de son père.
Rappelons nous qu’il n’y a jamais eu d’orthographe aux patronymes jusqu’à la création du livret de famille à la fin du 19ème siècle et qu’il convient de prendre en compte la phonétique pour avancer dans nos recherches généalogiques.
LA METHODE
Un travail purement généalogique. Partant de familles différentes aux patronymes distincts en cette fin du 19ème siècle, mes recherches ont permis en remontant les lignées agnatiques (exclusivement du côté mâle qui transmet le nom) sur près de quatre siècles de retrouver un ancêtre commun à des individus portant les noms maintenant différent.
LES PATRONYMES
1er exemple : Evolution simple.
DELRUE et ses variantes :
DE LE RUE / DELERUE / DE LE REU / DELREU / DELREUX / DELROEUX.
Etymologies les plus courantes proposées par les dictionnaires de noms de famille et les sites de généalogie (2) :
Delrue : Surtout porté dans le département du Nord (également 80, 76), c'est une contraction de Delarue. Le nom désigne celui qui habite une maison près de la rue, ou encore un hameau appelé la Rue
Delreux : Porté en Belgique (Hainaut) et dans le département du Nord, devrait renvoyer à un toponyme correspondant au wallon "reu" = défrichement. Variante : Delroeux
Si l’origine de DELRUE décrite ci-dessus est incontestable, celle de DELREUX utilisant heureusement le conditionnel n’est pas du tout applicable en notre terre du Ferrain. Ces deux patronymes ont une source unique.
Une seule origine : DE LA RUE.
Dès 1500 on trouve bien sûr le nom DE LE RUE et uniquement sous cette orthographe dans les différents documents de la Seigneurie de Lobel et du Marquisat de Roubaix.
Il devait se prononcer « DEULRUE » en langue vernaculaire, signifiant « de la rue » et désignant un habitant de « La rue ». De nos jours notre patois local traduit toujours l’expression « de la rue » par « de l’ rue » qui se prononce encore « deû l’ rue ». Ce que les greffiers d’alors transcrivaient par DE LE RUE.
Vers 1600 apparaissaient les deux orthographes, DE LE RUE et DE LE REU pour désigner le même nom de famille
Ainsi Jacqueline DELRUE, censière du Becq à Néchin, née vers 1610, constamment désignée Jacqueline DE LE RUE dans les différents documents de l’époque , signait son nom DE LE REU.
A la même période, dans les registres de catholicité, le nom de famille d’une même personne pouvait être orthographié différemment en fonction du rédacteur (pasteur ou clerc).
La forme DE LE REUX n'apparaît qu'après 1650, avec peut-être la prononciation actuelle et probablement pour différencier les nombreuses familles portant le même patronyme.
Les formes DELRUE et DELREUX n'apparaissent qu'au début du 18ème siècle et DELROEUX plus tard encore.
2ème exemple : évolution surprenante.
DOUTRELINE / DOUTRELIGNE / DOUTRELINGNE / DOUTRELUIGNE / DOUTRELUNGNE / DOUTRELUINGNE / DOUTRELUINGUE
Etymologie les plus courantes proposées par les dictionnaires de noms de famille et les sites de généalogie (2) :
Doutreligne : Porté dans le département du Nord et en Belgique, peut désigner celui qui habite au-delà de la Ligne, rivière du Hainaut, mais semble souvent une variante des noms Doutreluigne, Doutreluingne, Doutrelungne (également Doutreluingue), qui semblent désigner celui qui habite au-delà de Luingne, commune du Hainaut située à la frontière avec la France.
Une fois encore les origines des noms proposées ci-dessus ne peuvent s’appliquer dans notre contrée. En effet pourquoi faudrait-il trouver pour DOUTRELIGNE une origine au-delà d’un ruisseau qui coule à la limite du Brabant alors même que près de 90 % des porteurs sont de Wattrelos et des communes limitrophes. Et pour DOUTRELUINGNE, imaginer que la petite paroisse que devait être Luingne au Moyen Age servait à délimiter une frontière naturelle entre les villages plus importants qui l’entouraient.
Une seule origine : D’OUTRE LA VIGNE.
On trouve dans le Brief des rentes du fief de Lobel à Néchin établi à partir de 1485 par Gilbert DUPONT, receveur des impôts de Pierre Seigneur de Roubaix, un certain Jehan DOUTRE LE VIGNE acquéreur de 2 cents de terre sis à Néchin le long du chemin qui mène du Fresnoy à la Lee Rue.
Cette orthographe DOUTRE LE VIGNE était la transcription par le greffier de ce qui devait se prononcer « DOUTREUL’VIGNE » en langage vernaculaire et qui signifiait d’outre la vigne ou au-delà de la vigne.
Il faut rappeler qu’au Moyen Age, certaines des terres prospères de Wattrelos, appartenant aux religieux de l’Abbaye de Saint Bavon à Gand, étaient couvertes de vigne. Les lieux-dits la Boutillerie et le Winhoute n’ont pas été nommé ainsi par hasard. Si le premier de ces noms est compréhensible, le second Winhoute est d’origine néerlandaise : de wijn, vin et hout, bois que l’on peut traduire par bois de vigne. (3)
Aujourd’hui la forme d’origine a disparu, plus personne ne s’appelle DOUTRE LA VIGNE. Et les multiples variantes viennent d’une simple faute d’orthographe. Jusqu’au 17ème siècle on peut constater qu’un seul graphisme existe pour les « U » et « V ». Les greffiers et clercs ne connaissent que le « U » pour représenter les deux lettres. Et lui ajoute un accent grave ou aigu pour le différencier. Ainsi le patronyme qui s’est toujours prononcé DOUTREL’VIGNE s’est écrit DOUTREL’UIGNE mais n’a bien sûr qu'une seule et même origine.
Références : (1) : guide-généalogie.com (2) : généanet.org (3) : ville-wattrelos.fr
A SUIVRE …
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